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Ces surdoués derniers de la classe


image : pixabay


On les appelle élèves à Haut Potentiel, Gifted, enfants précoces ou encore zèbres. Ces élèves qui possèdent un Qi supérieur à 130 représentent 2 à 3 % de la population scolaire soit environ 200.000 enfants. Il s’avère que 30 % d’entre eux sont confrontés à l’échec scolaire. (Terassier, 1999 ; Milletre, 2015). Tous les enfants précoces ne réussissent donc pas à l’école. Certains rencontrent de grandes difficultés se traduisant par des redoublements à répétition ou de la phobie scolaire. Dans les cas les plus graves, ils décrochent, sortant du système éducatif, sans diplôme.


Une étude récente que j’ai réalisée à l’université de Dijon, sous la direction de Madame Morlaix (directrice adjointe de l’IREDU - Institut de Recherche en Éducation - ) a tenté de comprendre pourquoi certains élèves aux possibilités intellectuelles élevées se retrouvent en situation d’échec scolaire. Cette idée s’inscrit à l’encontre de toutes les représentations habituelles de la notion de réussite. L’échec scolaire des enfants disposant de possibilités pourtant exceptionnelles semble a priori contradictoire.


Cette étude qualitative a été réalisée par la voie des entretiens, auprès de 26 parents et 9 enfants. L'échantillon final comportant 50 recueils.


Comprendre le phénomène


La clé de compréhension du phénomène ne réside pas seulement dans la détermination du potentiel intellectuel de l’enfant mais également dans l’étude des caractéristiques psychiques structurant sa personnalité.


Une des caractéristiques évoquée est l’hypersensibilité, parfois mal perçue par les parents et les enseignants comme un manque de maturité. En réalité, ces enfants vivent plus intensément les expériences affectives, qu’elles soient positives ou négatives. Ils sont particulièrement attentifs aux mots employés, aux tonalités, aux expressions et même à la gestuelle de leurs interlocuteurs. Pour eux tout est précis, chaque terme comportant des nuances. De la même manière ils ressentent intensément l’ensemble de leur environnement (Petitcollin, 2010).


Cette hyperstimulation de tous les sens est anxiogène, ce qui produit des réactions émotionnelles particulièrement marquées. Ces jeunes peuvent aller brusquement de l’état d’euphorie à celui de la dépression (allant jusqu’aux tendances suicidaires pour les cas les plus dramatiques). Cela peut déclencher également des troubles alimentaires, ou encore des troubles de sommeil.


Dans tous les cas, ces enfants souffrent d’un profond manque de confiance en eux et ont largement tendance à se dévaluer. Ils se sentent en décalage avec les autres. Cet écart est souvent synonyme d’isolement et de mal être. 30% des élèves précoces développent des troubles du comportement se traduisant souvent par une opposition aux adultes. Il a été montré dans une étude que 85% des incidents survenus dans des écoles américaines auraient été réalisés par des enfants précoces ou diagnostiqués précoces par la suite (Hebert & Olenchak, 2002).


Des recherches montrent que 2 à 3% des enfants à haut potentiel présentent des troubles obsessionnels compulsifs (Revol, 2004). Autre caractéristique de ces enfants est un perfectionnisme particulièrement marqué qui, en cas d’échec, peut amener à l’arrêt brutal d’une activité ou d’un projet. Dans ce cas le perfectionnisme serait un frein au développement intellectuel (Kieboom, 2007).


Chez les précoces, le Trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) est régulièrement observé (Hartnett al., 2004). Les difficultés liées au trouble, telles que parler tout le temps, la rêverie, l’incapacité à rester assis, des difficultés à respecter les règles, une impossibilité d’achever certaines tâches, sont en grande partie responsables de l’échec scolaire (Guenther, 1995 ; Leroux & Levitt-Perlman, 2000).


Résultats


Les résultats de l’étude montrent que 80 % de ces élèves n’éprouvent que peu d’intérêt pour l’école. Pour les élèves à Haut Potentiel, l’ennui semble le signe le plus fréquent et le plus visible permettant d’identifier un début de décrochage. Ces données sont en accord avec les travaux de Blaya (2010) qui identifient l’ennui comme le premier stade de la spirale de l’échec.


Les entretiens révèlent que des comportements particuliers en réponse à l’ennui peuvent se manifester très tôt, dès la maternelle. Ces comportement peuvent aller d’une inhibition scolaire à inversement, des comportements provocateurs. Cela génère insidieusement un conflit éducatif.


L’étude montre par ailleurs, que les élèves à Haut Potentiel sont nombreux à déclarer ne pas comprendre les consignes de l’enseignant car elles ne sont pas formulées selon leur mode de pensée. La logique des précoces est différente des autres élèves, beaucoup plus analytique. Ils ont besoin d’une pédagogie adaptée à leur mode de raisonnement. En outre, le décalage entre la qualité du fonctionnement de leur cerveau et leur âge réel favorise l’apparition de dyslexies, de troubles de la motricité, de retards au niveau de l’écriture et du graphisme. Ces difficultés sont très déstabilisantes pour ces élèves.


Les résultats montrent également que 15% des enfants interrogés ont été sujets à des erreurs de diagnostic. Un enfant à haut potentiel est souvent maladroitement considéré par l’enseignant comme un élève en retard. L’incompréhension du phénomène se traduit régulièrement par des orientations subies et bâclées augmentant elles-mêmes le phénomène de décrochage scolaire et les absences de prise en charge adaptées. D’autant plus que, les résultats de ces entretiens montrent que 27% des élèves à Haut Potentiel ont des relations conflictuelles avec leurs enseignants.


Il ressort de ces différents entretiens que les parents d’élèves à Haut Potentiel rencontrent souvent des difficultés à les maintenir à l’école. Les principales raisons invoquées sont soit l’ennui, soit le conflit avec l’enseignant. Pour tenter de remédier à ces problèmes et parce qu’ils ont le sentiment que les solutions ne sont pas trouvées par l’Institution, 70% d’entre eux changent alors leur enfant d’école. Cette instabilité est principalement causée par un sentiment d’incompréhension de la part du système éducatif classique ne parvenant pas à répondre aux attentes des parents. Nous avons rencontré ce discours dans la quasi-totalité des témoignages. Les parents se livrent sur leur ressenti qui les pousse vers les écoles privées ou l’enseignement spécialisé hors contrat.


Pour terminer, il ressort de cette étude qu’une approche très en amont du phénomène et qu’une prise en charge psychologique dédiée au profit de ces élèves deviennent indispensables en vue de leur inclusion. Un à deux élèves par classe sont concernés aujourd’hui. La détection systématique à travers les tests du QI semble être la meilleure solution pour lutter contre l’échec scolaire de ces jeunes pour qui, une fois identifiés, des méthodes pédagogiques adaptées peuvent être développées.


Références bibliographiques

  • Blaya, C. (2003). Absentéisme des élèves : recherches internationales et politiques de prévention. Bordeaux : Observatoire Européen de la Violence Scolaire, 01/2003, 66 p.

  • Blaya, C. (2005). Les décrocheurs : pas tous délinquants ! Le Monde de l’éducation, 12/2005, 342, p. 24.

  • Kieboom, T., & Poppe, K. (2011). Accompagner l'enfant surdoué. De Boeck.

  • Milletre, B. (2015). L’enfant précoce au quotidien. Payot.

  • Milletre, B. (2015). Petit guide à l’usage des gens intelligents qui ne se trouvent pas très doués. Payot.

  • Petitcollin, C. (2014). Je pense trop: comment canaliser ce mental envahissant. Guy Trédaniel.

  • Revol, O. (2006). Même pas grave L'échec scolaire ça se soigne. JC Lattès.

  • Terrassier, J. C., & Gouillou, P. (2011). Guide pratique de l'enfant surdoué: comment réussir en étant surdoué?. ESF éditeur.

  • Terrassier, J. C. (2016). Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante. ESF éditeur.

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